JE NE TE LAISSERAI PAS TRAINER, MON FILS

Cher fils,

Je t’ai donné la vie, et tu as changé la mienne. Depuis que tu as fait irruption dans mon quotidien, je suis devenu moins egocentrique. La preuve? C’est mon anniversaire aujourd’hui, et c’est toi qui es au cœur de mes pensées.

La vie est courte. Le décès de mon grand frère me l’a rappelé. Son départ soudain continue de me traumatiser. Je ne m’en suis toujours pas remis, et je ne m’en remettrai sans doute jamais. Depuis qu’il est parti, des pensées morbides hantent mon esprit en permanence.

Cher fils, je compte être vivant pendant les soixante prochaines années, mais sache que ce n’est pas moi qui décide. Le décès de ton oncle m’a appris que tout peut s’arrêter brusquement, sans aucun préavis. Sache donc que je peux rendre l’âme à n’importe quel moment, mais avant de partir, il faut que tu saches que je t’aime.

Une dizaine de jours avant le départ de mon grand frère, nous avons eu une conversation plutôt houleuse au téléphone. Je ne vais pas dévoiler le contenu, mais sache que ton oncle était quelqu’un qui croyait beaucoup en moi et très souvent, j’avais du mal à être à la hauteur de ses exigences.

Même lorsque je donnais le meilleur de moi-même, il estimait que je pouvais faire mieux. Il était convaincu que je pouvais réaliser des choses exceptionnelles et ne voulait surtout pas que je sombre dans la complaisance. Il était hors de question que je me repose sur mes lauriers. Lorsque j’atteignais l’excellence, il me faisait des remontrances car il voulait que j’atteigne la perfection. Il en voulait toujours plus. Cela m’irritait au plus haut point.

La dernière fois que j’ai parlé à mon frère, c’était le 24 avril 2007. Il m’avait appelé pour me souhaiter joyeux anniversaire, mais très rapidement, les choses ont tourné au vinaigre. Ce jour-là, il m’a fait des reproches qui m’ont vexé et la conversation s’est achevée sur une note peu joyeuse. J’ai raccroché sans lui dire que je l’aimais. J’étais loin de me douter que c’était la dernière fois que je lui parlais. Aujourd’hui, je m’en mords les doigts.

On ne peut pas réparer les erreurs du passé, mais il est important d’en tirer les leçons. Cher fils, si je t’écris aujourd’hui, c’est pour te dire que je t’aime. C’est la première fois que je suis parent, donc il est fort probable que, par moments, je vais t’aimer maladroitement. Je serai sûrement à l’image de mon grand frère, et je vais sans doute commettre les mêmes erreurs que lui. Lorsque tu ramèneras 19/20 à la maison, je vais te demander pourquoi tu n’as pas eu 20/20. Je tiens donc à m’excuser d’avance pour toutes les fois où je vais te critiquer sévèrement au lieu de te congratuler.

Cher fils, je vais commettre beaucoup d’erreurs tout au long du parcours. Je vais faire plein de faux pas, mais sache que tout ce que je ferai, je le ferai avec amour. J’ai bien écouté les conseils de Kool Shen, et je vais remuer ciel et terre pour que tu n’ailles jamais chercher ailleurs l’amour qui devrait y avoir dans mes yeux. Je ne serai pas parfait, mais je ne te laisserai pas trainer, mon fils. Je t’en fais la promesse.

Je t’aime.

Hopiho

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