Le 15 février dernier, c’était l’anniversaire de mon feu frère Pierre-Christian, qui aurait fêté ses 40 ans si un accident d’avion ne l’avait pas fauché dans la fleur de l’âge. Quatre jours plus tard, National Geographic a sorti un documentaire qui a révélé les résultats de l’enquête. Impuissant, j’ai regardé la reconstitution de l’accident. J’étais dans tous mes états : je suis passé de la colère à la tristesse au quart de tour. Bref, c’était une véritable montagne russe d’émotions.

Aujourd’hui, je n’ai pas l’intention de parler de l’accident d’avion. Après tout, la vie de mon frère ne se résume pas à ça. Au lieu de parler des circonstances de sa mort, je vais plutôt raconter des anecdotes qui vous donneront un aperçu de l’homme qu’il était. Je vais vous parler de sa vie qui, bien qu’elle fut brève (il est mort à 27 ans), eut un véritable impact sur la mienne.

Parfois, je lis pendant plusieurs minutes ce mail qui m’avait envoyé en février 2006. Le message n’est pas très long, mais il illustre très bien l’altruisme qui l’animait. Était-il un grand fan de ma musique? Sûrement pas. Cependant, j’étais son petit frère et il était prêt à tout mettre en œuvre pour que j’atteigne mes objectifs. Que ce soit dans le sport ou la musique, il m’a toujours soutenu dans toutes mes entreprises.

On dit qu’un homme meurt deux fois. La première fois, c’est quand il arrête de respirer et la deuxième fois, c’est quand quelqu’un mentionne son nom pour la dernière fois. PC est décédé dans un accident d’avion. Il mourra une deuxième fois si j’arrête de parler de lui. Permettez-moi donc de lui rendre un petit hommage. Au cours des prochains paragraphes, je vais vous parler de sa passion pour le sport, de son sens de la famille et de ses instincts paternels (qui avaient parfois le don de m’agacer). Pour moi, c’était un grand frère, un coach, un mentor.

L’anecdote que je raconte souvent, c’est celle du penalty raté.  Vous ne la connaissez pas? Tant mieux, je comptais vous la raconter. Vous êtes prêts? Let’s go!

Tout commence lorsque ma grand-mère décide que son petit-fils est trop intelligent pour aller à la maternelle. Elle décide donc, envers et contre tous, de m’envoyer à l’école primaire à l’âge de quatre ans, et à la fin du premier trimestre, mon bulletin scolaire lui donne raison. Dans une classe d’une centaine d’élèves, j’étais parmi les dix premiers. Vous auriez dû voir son sourire lorsqu’elle posa ses yeux sur ce fameux bulletin. C’est un moment que je n’oublierai jamais.

Le fait d’être le plus jeune de ma classe procurait un énorme sentiment de fierté à ma grand-mère, mais cette précocité me causait de véritables problèmes sur les terrains de foot. Étant donné que je traînais toujours avec des camarades de classe qui étaient plus âgés, les adversaires en déduisaient que j’étais un « présu ». Ils faisaient donc des pieds et des mains pour m’empêcher de jouer. La présence de PC à ces matches s’avérait donc nécessaire. Il venait toujours à ma rescousse et insistait pour que je joue avec les enfants de mon âge.

À cette époque-là, PC faisait toujours des efforts pour assister à mes matches. Il lui arrivait parfois d’avoir des empêchements, et lorsque c’était le cas, il tenait quand même à faire le post-mortem du match qu’il avait manqué. Vous l’avez compris : mon frangin accordait une importance démesurée à ces parties de football.

Le jour du penalty manqué, PC ne put pas assister à la rencontre. Ce fut bien dommage, car il n’eut pas l’opportunité de voir mes prouesses. En effet, ce jour-là, j’étais trop chaud et j’étais tout simplement  inarrêtable sur le terrain.  J’avais inscrit un triplé, et quelques minutes avant la fin de la partie, le score était de 3-3. Le match était engagé, et les deux équipes avaient du mal à se départager. Nous nous dirigions vers un match nul lorsque vint le moment fatidique. Un joueur de l’équipe adverse commit une faute sur moi dans la surface de réparation, et l’arbitre nous accorda un penalty.

Étant donné que j’étais le leader de l’équipe, tirer le penalty me revenait de droit. Lorsque mon coéquipier me donna le ballon pour assumer mes responsabilités, je lui expliquai que j’avais déjà marqué trois buts et que ce penalty était une chance pour lui de contribuer à la victoire. J’essayai de me faire passer pour un gars altruiste, mais la vérité, c’est que j’avais les chocottes et je venais d’envoyer mon coéquipier au charbon. Mon pote rata le penalty, et l’équipe adverse inscrit un but dans la foulée. Quelques minutes plus tard, l’arbitre siffla la fin du match et je rentrai à la piaule, la queue entre les jambes.

J’étais en pleine séance d’autoflagellation lorsque PC rentra à la maison. «Il paraît que tu as inscrit un triplé aujourd’hui », dit-il d’entrée. Comme à son habitude, PC avait pris le temps d’obtenir le résumé du match avant de rentrer à la maison.  Il ne me laissa pas le temps de répondre et enchaîna rapidement : « Il paraît aussi que tu as refusé de tirer le penalty ». Une fois de plus, il ne me laissa pas le temps d’interjeter et continua son attaque frontale : «Celui qui a raté le penalty, est-ce qu’il est mort? » À travers cette question rhétorique, il venait de faire passer son message: il était déçu de voir que son petit frère n’avait pas la mentalité Mamba.

Pendant tout l’échange, il était resté super calme, mais je savais qu’il bouillonnait à l’intérieur. Il interrompit la conversation abruptement et monta dans sa chambre. L’acte que j’avais commis sur le terrain de foot était inexcusable, et il n’avait vraiment pas envie d’entendre mes explications. Ce fut la dernière fois qu’on parla de cet incident.

PC était comme ça : le tough love était sa marque de commerce. D’ailleurs, je parie qu’il est en train de lire ce blogue en ce moment, et je suis sûr qu’il est en train de compter le nombre de coquilles et de fautes d’orthographe. I love you, man. Rest in peace!

Hopiho