Je n’ai plus besoin de vous dire à quel point j’aime le hip hop. C’est inutile également de vous dire à quel point j’apprécie du bon journalisme.  Un de mes sites préférés, djbooth.net, a réussi à concilier mes deux amours : le rap et le (vrai) journalisme. Les articles de DJ Booth sont toujours bien rédigés, les journalistes font un véritable travail de fond, et leurs analyses sont toujours intéressantes. Le contenu est non seulement pertinent, mais divertissant également. À une époque où les vrais sites de rap sont de plus en plus rares, DJ Booth est une bouffée d’air frais.

Les journalistes de DJ Booth ne se contentent pas de donner des nouvelles sur l’actualité hip hop. Ils se permettent parfois de faire des comparaisons étranges. Quand ils ne comparent les rappeurs aux émissions télévisées, ils donnent des cours de géopolitique en comparant les rappeurs aux pays. Les concepts sont déjantés, et c’est ce que j’apprécie.

Je n’ai pas honte de dire que je me suis inspiré du contenu du site DJ Booth pour rédiger cet article où je vais m’évertuer à trouver l’équivalent des rappeurs américains dans le rap français. Vous êtes prêts? Allons-y!

Gims est Drake

Les deux artistes sont super polyvalents. Ils sont à l’aise dans le rap, le R&B et la pop. Ils sont au sommet depuis des années et leur hégémonie ne semble pas être sur le point de s’arrêter. Gims et Drake sont en état de grâce : tout ce qu’ils touchent devient platine (même lorsque la chanson est horrible). Ils sont omnipotents et sont surtout omniprésents : ils sont à la télé, à la radio et même sur Netflix. Je suis convaincu que vous en avez sûrement marre d’entendre leurs chansons et de voir leur tronche, donc je ne vais pas trop m’attarder sur ces légendes.

Doc Gynéco est Snoop Dogg

Les points communs? La longue chevelure, l’amour pour la marijuana, l’apologie de l’hédonisme, les lyrics sulfureux, etc… Snoop Dogg et Doc Gynéco sont des frères jumeaux. Tous les deux ont commencé leur carrière sur les chapeaux de roue. Puis, petit à petit, ils ont perdu le nord. Ils avaient le talent pour être les meilleurs, mais ils ont manqué la discipline requise pour atteindre cet objectif. Cela ne faisait sûrement pas partie de leur plan de carrière.

Booba est 50 Cent

L’avènement de 50 Cent au début des années 2000 a eu un véritable impact sur la carrière de Booba. En 2003, le rappeur de Boulbi a changé son image afin de mieux ressembler à son idole. Influencé par 50 Cent, Booba s’est mis à la musculation, a commencé à collectionner les tatouages et a gangsterisé un peu plus sa musique. Déterminé à prouver à tout le monde qu’il est un vrai thug, le duc de Boulogne a parfois frôlé la caricature. Le clip de la chanson Baby, où Booba apparaît comme le 50 Cent du pauvre, est extrêmement gênant.

De nos jours, Booba et 50 Cent sont au crépuscule de leur carrière musicale. Ils ont pris de l’âge, sont devenus des hommes d’affaires aguerris et la musique ne semble plus être leur priorité. Cependant, s’il y a une chose qui n’a pas changé, c’est bel et bien leur amour pour la confrontation. Les adversaires se multiplient, mais ça ne les effraie pas. Au contraire! Booba et 50 Cent semblent adorer ça. Quand il y a une altercation, ils ne se défilent jamais et règlent leurs comptes… sur Instagram au vu et au su de tout le monde.

Lino est Jadakiss

Avant de se lancer en solo, Lino et Jadakiss étaient les figures de proue de leur groupe. Les deux rappeurs, qui sont très appréciés par les puristes, sont réputés pour leurs punchlines et font partie sans aucun doute du fleuron des lyricistes. Le manque de mélodies dans leurs chansons leur porte préjudice, et c’est sûrement la raison pour laquelle ils n’arrivent pas à passer à l’échelon supérieur. Certaines mauvaises langues diront qu’ils ont le même flow depuis 25 ans. Certes, mais pourquoi changer un flow indémodable?

Youssoupha est Nas

Youssoupha et Nas sont des artistes qui s’ouvrent complètement dans leur musique et n’hésitent pas à se confier à l’auditeur sans aucune retenue. Les deux rappeurs sont fils de musiciens (Youssoupha est le fils de Tabu Ley Rochereau, tandis que Nas est le fils d’Olu Dara) et ils parlent souvent de la relation compliquée qu’ils ont eue avec leur géniteur dans leurs chansons. Issu d’une fratrie d’une trentaine d’enfants, Youssoupha affirme avoir connu son père à travers les disques dans la chanson Le message, tandis que Nas parle en détail de l’infidélité de son père dans la chanson Poppa was a player.

On peut parfois reprocher aux deux rappeurs le manque d’ouverture d’esprit dont ils ont fait preuve à plusieurs reprises. Par exemple, lorsque le crunk/dirty south était à son apogée, Youssoupha critiquait vertement le mouvement dès qu’il en avait l’occasion. Il avait notamment lâché ces phrases dans la chanson À force de le dire :

À force de rapper sur ton crunk comme une petite tass

Viens pas faire le thug, moi je fais toujours pas de Dirty South

Suces la tendance jusqu’à la mort, t’es dans de beaux draps

Moi j’m’en fous de la mode, par définition elle se démodera

Quelques années plus tôt, il avait déjà dit ceci dans la chanson Dangereux:

OK, mon rap choque comme un attentat

Attitude punk, arrêtez les beats crunk

Putain, on n’est pas à Atlanta

Ce n’est pas fini puisqu’il en a remis une couche dans La foule

Moi, moi, moi, moi ce n’est pas du crunk que j’te propose

J’fume ni d’blunt, ni même popo,

Mais le public part en jump ou en pogo

Quant à Nas, il a reproché aux artistes du sud de dévaloriser la qualité du hip-hop avec le crunk et la musique snap dans son album Hip hop is dead, sorti en 2006. Le rappeur de Queensbridge annonçait la mort prématurée du rap tout simplement parce qu’il n’aimait pas la direction que le mouvement prenait. 

Comme vous le voyez, Youssoupha et Nas sont loin d’être parfaits. Ils ont eu des prises de position assez réactionnaires par le passé et ils sont loin d’être irréprochables. Cependant, lorsqu’il s’agit de rap, tout le monde s’accorde pour dire que Youssoupha et Nas, c’est le nec plus ultra.

Kery James est Common

Lorsque j’essaie de défendre le rap auprès de ceux qui pensent que c’est un genre musical qui abrutit la jeunesse, les noms de Kery James et de Common reviennent assez souvent pendant ma plaidoirie.

Ce qui est bien avec ces deux rappeurs au crâne rasé, c’est que leurs albums peuvent s’écouter en famille: Kery James et Common sont certes virulents dans leurs propos, mais ils sont rarement vulgaires. Leurs idées ne vont pas plaire à tout le monde, mais ils sont capables de les exprimer de manière éloquente sans verser dans la vulgarité. C’est assez rare dans le rap, donc ça mérite d’être souligné.

Joey Starr est DMX

Les deux rappeurs sont réputés pour leur agressivité au micro. Ils sont aussi connus pour leur addiction aux drogues, leurs problèmes judiciaires et leur enfance difficile. Jetez un coup d’œil sur leurs biographies et vous allez apercevoir les ressemblances.

Voici un résumé assez sommaire de l’enfance de Joey Starr :

Didier Morville est retiré à sa mère dès l’âge de cinq ans. Encore enfant, il assiste impuissant à la mort violente de son lapin tué par son père qui le cuit et le force à en manger. Joey Starr est victime de maltraitance sur mineur par un père violent, autoritaire et incapable d’affection qui l’expulse du domicile familial à sa majorité, en 1985. Durant un an et demi, Joey Starr est sans domicile fixe et passe le plus clair de son temps dans les couloirs du métro ou dans les catacombes. Cette période est marquée par la violence et la découverte des drogues dures. Une expertise psychiatrique ne décèlera aucune pathologie mentale chez Joey Starr qui, selon le psychiatre, «trouve, via la musique, un moyen de se dégager de la violence qu’il porte en lui ».

Voici un résumé assez sommaire de l’enfance de DMX :

Earl Simmons a vécu une enfance désordonnée : sa mère et ses différents petits amis le battent à tel point qu’il en perd ses dents et subit de nombreuses contusions et coupures au visage. Il fugue à plusieurs reprises pour échapper aux abus de sa mère. Lorsqu’il commence à errer dans les rues de Yonkers, il trouve du réconfort en se liant d’amitié avec des chiens errants. Il adopte un pitbull, qui sera malheureusement abattu par la police alors qu’il a neuf ans. Cette enfance le rend par la suite violent. Il tente de survivre dans les rues en commettant des braquages, ce qui entraînera plusieurs démêlés avec la justice.

Alors, vous voyez des ressemblances?

Je pourrais continuer à trouver les équivalents des rappeurs américains dans le rap français jusqu’à pas d’heure, mais je pense que j’ai assez écrit. Maintenant, c’est à votre tour de jouer. Qui ai-je oublié? Suis-je complètement dans le champ avec ma liste bidon? Déchaînez-vous dans la section des commentaires.

Hopiho