L’histoire du rap français est ponctuée de succès, mais aussi de scandales. L’un des plus choquants concerne la chanteuse et rappeuse Medina Koné, alias Imane D. En 1997, la France vibrait au rythme du tube “Bye Bye” de Ménélik. Cependant, peu de gens savent que la voix féminine qui a marqué ce morceau est celle de Medina Koné, alias Imane D. Malgré sa contribution majeure, la maison de disques a choisi de mettre en avant une autre artiste dans le clip, reléguant Imane D dans l’ombre.
Medina a grandi dans un environnement où la musique tenait une place centrale. Le rap est venu à elle de manière naturelle. « Mon frère M’widi était un des précurseurs du rap dans les années 80 », raconte-t-elle. « Il est tombé malade et n’a pas pu développer sa carrière comme il le souhaitait. »
Celle de Médina prend un tournant décisif lorsqu’elle est repérée lors d’une soirée à Paris. «Mon frère était connu pour l’improvisation», explique-t-elle. « J’avais appris ses techniques et je les utilisais sur scène. Ce soir-là, j’ai improvisé sur ce qui se passait pendant la soirée en rappant, puis en chantant. »
Son talent pour l’improvisation attire l’attention d’une jeune femme, qui lui parle d’un casting pour un artiste nommé Albert. Curieuse, elle accepte l’invitation, et en se rendant au rendez-vous, elle découvre que l’artiste en question n’est autre que Ménélik. « Ayant vu plein d’artistes depuis que j’étais petite, je n’étais pas impressionnée », se souvient-elle. « Toutefois, j’ai trouvé le challenge intéressant car c’était quelqu’un de connu. »
Ils enregistrent le titre “Bye Bye”, et peu de temps après, Ménélik l’appelle pour lui dire que la maison de disques a apprécié sa performance. Cependant, ce qui aurait dû être un moment de gloire se transforme en une expérience amère.
« Après l’enregistrement, nous partons chacun de notre côté », raconte Medina. « Je rencontre des personnes de l’administratif qui me font signer le contrat. ». Quelques semaines plus tard, Médina appelle une personne du label pour connaître la suite du projet. Elle apprend alors, sous le coup de la confidence, qu’il y a quelque chose de « pas clair » dans la promotion du titre. Selon les indiscrétions, sa voix plaisait à tout le monde, mais une autre artiste, dont la voix était moins convaincante, semblait avoir été choisie pour assurer la promotion.
« J’ai appelé Albert, il m’a esquivé », raconte-t-elle. Elle envoie ensuite des faxes et des courriers à la maison de disques. Silence radio. Peu de temps après, Medina découvre avec stupeur que le clip de “Bye Bye” a été tourné sans elle. Pire encore, sa voix, celle qui résonne dans les oreilles de millions d’auditeurs, est attribuée à l’artiste Myas. Ménélik et la maison de disques avaient décidé de mettre en avant une autre personne tout en gardant la voix de Médina, sans même la prévenir. Une trahison sans nom! Medina a été effacée, gommée des mémoires, comme si elle n’avait jamais existé.
Au lieu de se laisser abattre, Medina choisit de se battre. Armée de son courage et soutenue par quelques proches, elle entreprend une action en justice contre Sony Music pour usurpation d’identité. « Ça arrive souvent dans ce secteur, et les gens se taisent et se font écraser », confie Medina. «Je n’ai pas eu peur et je me suis défendue.» Le procès, difficile et éprouvant, dure un an, mais aboutit finalement à une victoire. « Étant femme des quartiers populaires, je symbolisais ce qui est fragile, ce qui est faible », affirme Medina. «Ils se sont sûrement dit que je ne pouvais pas me défendre.»
Aujourd’hui, Medina n’entretient plus aucune relation avec Ménélik. « Je n’ai pas de haine vis-à-vis de ce monsieur », dit-elle. « Par contre, je n’ai aucun respect pour ce qu’il a fait. En même temps, je me dis que ça ne lui a pas porté bonheur puisque finalement après ça, il n’a rien fait d’autre. »
Plus de 25 ans après ces événements, Medina Koné regarde son parcours sans amertume. « Je peux lever le menton », dit-elle. « Je n’ai rien à me reprocher, je suis assez contente. Je continue ma route. » Aujourd’hui, elle excelle dans des domaines d’impact : elle coache des entrepreneurs et des personnalités, enseigne à la prestigieuse école du numérique IIM à La Défense, et intervient parfois comme chroniqueuse sur BFM, TF1, et dans divers magazines.
Et la musique dans tout ça ? « Je n’ai jamais arrêté le rap », dit-elle. « L’art, c’est quelque chose qu’on ne lâche jamais. C’est quelque chose qui nous habite. » Toutefois, en faire une activité commerciale est une autre paire de manches, conclut-elle.