SEXE, POUVOIR ET CORRUPTION: LES DESSOUS DE L’AFFAIRE BALTASAR 

Lorsque je suivais des cours de journalisme, on nous répétait souvent que les « 3S » – sexe, sang, et sport – étaient les piliers des sujets qui captivent. Jamais cet adage n’a été aussi vrai qu’avec l’affaire Baltasar. Depuis quelques semaines, ce scandale défraie la chronique en Guinée équatoriale et au-delà. Les vidéos à caractère sexuel, largement diffusées en ligne, sont au cœur de cette controverse, mais elles ne sont que la pointe visible de l’iceberg.

Loin d’être une simple affaire de vie privée, cette histoire s’inscrit dans un contexte politique complexe, où intrigues de pouvoir et manœuvres de déstabilisation se croisent. Pour tenter de démêler le vrai du faux, j’ai interviewé une femme équato-guinéenne, qui a accepté de partager son point de vue sous couvert d’anonymat. Bien que son témoignage ne reflète pas nécessairement l’opinion de l’ensemble de la population, il offre un éclairage précieux.

Dès le début de notre conversation, mon interlocutrice déplore la manière dont l’affaire a été présentée : « L’accent est mis sur sa vie privée, alors que Baltasar est en prison pour des soupçons de corruption. » En effet, une enquête est en cours, mais peu d’informations ont filtré sur les accusations de corruption qui pèsent contre Baltasar. 

Quant aux vidéos qui circulent, elles n’ont pas provoqué un tollé généralisé en Guinée Équatoriale. « Les femmes dans ces vidéos sont consentantes, elles ne sont pas mineures. Ce n’est pas un pays sous le poids de la religion, donc les gens sont assez indifférents », affirme-t-elle. Pourtant, cet aspect sensationnaliste a éclipsé des questions plus sérieuses liées à la gouvernance et à la justice.

Mon interlocutrice prend ensuite le temps de m’expliquer la situation politique en Guinée équatoriale, une nation où les intrigues politiques sont monnaie courante. Le président Teodoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 1979, est gravement malade, laissant la succession présidentielle au centre de toutes les convoitises. Son fils, Teodorin Obiang, actuel vice-président, est décrit comme un homme à l’approche autoritaire, prêt à tout pour prendre la relève de son père.

Sa soif de pouvoir est insatiable, et personne ne semble épargné, même pas son frère cadet Ruslane n’est pas à l’abri : Teodorin l’a accusé de corruption et poursuivi en justice. «Teodorin a beaucoup d’ennemis, car il réagit de manière impulsive »,  raconte mon interlocutrice. « Il se permet même de gifler des ministres pendant le conseil des ministres. » 

Pour illustrer à quel point Teodorin est cruel, elle évoque également une anecdote troublante. Afin de piéger un rival, Teodorin aurait envoyé une femme dans l’hôtel de cet homme, et celle-ci aurait filmé leurs ébats à son insu. Teodorin a ensuite pris les vidéos et les a mises  sur les réseaux sociaux. «Cela m’a beaucoup affecté, car le fils de l’homme en question est mon neveu», dit-elle.

Humilier ses adversaires, c’est une stratégie du pouvoir en place. Ces méthodes, qui mêlent humiliation publique et atteinte à la vie privée, ne sont pas rares dans le paysage politique du pays. Ce type de scandale est souvent une arme pour discréditer ou neutraliser des rivaux. 

En tant que directeur de l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF), Baltasar occupait un poste stratégique dans la lutte contre les crimes financiers, notamment le blanchiment d’argent et la corruption. Sa mission consistait à superviser et coordonner les efforts pour garantir le respect des normes financières internationales, un enjeu crucial pour un pays souvent critiqué pour son opacité en matière de transparence économique. Cette position faisait de lui une figure incontournable, mais aussi une cible potentielle dans un environnement politique où ceux qui occupent des postes stratégiques sont souvent perçus comme des obstacles potentiels. 

Étant donné le contexte politique, la situation de Baltasar soulève des interrogations. Était-il une menace politique pour Teodorin ou d’autres figures influentes? Selon mon interlocutrice, la diffusion des vidéos intimes pourrait être une stratégie pour le discréditer. « On sait qu’il y a une enquête sur lui, mais on n’en sait pas plus », dit-elle. « À ce jour, les seules mesures annoncées concernent l’installation de caméras de surveillance dans les bureaux afin de sanctionner les gens qui ont des rapports sexuels sur leur lieu de travail. »

Est-ce que Baltasar est victime d’une cabale politique? Les enquêtes en cours révéleront peut-être les dessous de cette affaire. En attendant, elle reste un miroir des tensions profondes qui agitent la Guinée équatoriale.

Facebook Comments
Loading Facebook Comments ...

Leave a Reply