« SI CE N’ÉTAIT PAS LA FRANCE, VOUS SERIEZ 10 000 FOIS PLUS DANS LA MERDE »

« Si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde. » Ces mots, prononcés par Emmanuel Macron à Mayotte après le passage dévastateur du cyclone Chido, ont suscité une vive indignation. La juriste et journaliste Sally a rapidement réagi. « Le discours d’Emmanuel Macron à Mayotte et c’est tout simplement le nouveau “La France tu l’aimes ou tu la quittes” version gestion de crise d’une catastrophe naturelle…», a-t-elle dénoncé. « Entre les techniques pour culpabiliser la population, les propos paternalistes et les critiques envers les pays africains … il y a beaucoup de choses à dire sur ce mépris. »

Les mots d’Emmanuel Macron ne devraient surprendre personne. Ils révèlent une fois de plus l’écart abyssal entre les attentes des Mahorais et l’attitude de l’État français. Mais ce mépris institutionnalisé ne date pas d’hier. J’ai moi-même été témoin de cette déconnexion il y a une dizaine d’années, lors d’un voyage personnel. 

C’était en 2011. J’avais pris l’avion pour aller aux Comores, et on ne m’avait pas précisé qu’il y aurait une escale à Mayotte. Je m’étais endormi pendant le vol. À mon réveil, je me suis retrouvé, à mon insu, à Mayotte. En descendant de l’avion, j’ai été immédiatement frappé par ce que j’ai vu : tous les membres des forces de l’ordre étaient blancs. Cette absence de diversité m’a troublé, car elle contrastait avec la réalité d’un territoire peuplé majoritairement de personnes noires.

En arrivant à la douane, un agent blanc m’a demandé de lui présenter mon visa. Lorsque je lui ai expliqué que les Camerounais n’ont pas besoin de visa pour entrer aux Comores, il m’a répondu que j’étais à Mayotte, un territoire français. J’ai rapidement rebroussé chemin pour remonter dans l’avion avant son départ. Cette scène anodine en apparence m’avait laissé perplexe. Pourquoi les habitants de l’île n’étaient-ils pas représentés dans les forces de l’ordre?

Lorsque je me suis rendu aux Comores, j’ai interrogé la population locale afin d’en savoir davantage sur Mayotte, et je me suis rendu compte que l’île se trouve dans un isolement profond. Boudée par certains Comoriens, qui considèrent encore l’île comme une partie des Comores, elle est également méprisée par la France métropolitaine qui semble la percevoir comme une périphérie lointaine.

Lorsque Mayotte devient un département français en 2011, les infrastructures et les services publics étaient loin d’être au niveau de ceux des autres territoires français. Cette situation perdure aujourd’hui et nourrit un sentiment d’abandon. Lors de son discours, Emmanuel Macron a adopté une posture qui, loin d’apaiser les tensions, a renforcé la division. 

Cette attitude rappelle tristement d’autres polémiques, comme les révélations selon lesquelles Emmanuel Macron aurait employé des termes racistes dans des cercles privés, appelant les Noirs « Mamadou » et les Arabes « rabzouz ». Ces déclarations, évoquées dans une enquête récente du journal Le Monde, ont intensifié les critiques envers Emmanuel Macron. Certaines personnes en ont profité pour rappeler que le président avait été élu en partie pour faire barrage à l’extrême droite. Ces nouvelles polémiques mettent en exergue une contradiction entre ses engagements publics et ses propos privés.

À titre de rappel, le cyclone Chido, qui a frappé Mayotte le 14 décembre 2024, a causé des dégâts considérables:  une trentaine de morts, plus de 100 000 personnes sans abri, et des infrastructures essentielles, notamment les routes, gravement endommagées, ce qui rend l’accès aux zones sinistrées extrêmement difficile. 

À Mayotte, comme dans d’autres territoires d’Outre-mer, les attentes vis-à-vis de l’État sont fortes, mais elles peinent à se traduire en actions concrètes. Le sentiment d’abandon et d’exclusion ne disparaîtra que si la France reconnaît pleinement la singularité de Mayotte, non seulement par des discours, mais surtout par des actes. Il est crucial de mettre en place des politiques inclusives et respectueuses, adaptées aux réalités locales. Cela passe par un engagement sincère et direct avec les acteurs locaux.

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