Après la défaite face au Miami Heat, le joueur des Milwaukee Bucks Giannis Antetokounmpo a tenu une conférence de presse, qui est désormais passée à la postérité. Lorsque le journaliste Eric Nehm lui a demandé s’il considérait que sa saison est un échec, Giannis a répondu ceci : « Michael Jordan a joué pendant 15 ans et a remporté 6 titres. Vous me dites que les 9 autres années ont été des échecs? Ce sont des étapes vers le succès. Il n’y a pas d’échec dans le sport. On ne gagne pas toujours. »

Ce discours m’a particulièrement marqué parce qu’on vit désormais dans un monde binaire où le juste milieu n’existe plus. On passe d’un extrême à l’autre : soit on est un échec cuisant, soit on est un succès retentissant. Il n’y a plus de nuances. Tout est devenu extrêmement polarisé, et cette façon de voir les choses met notre santé mentale à rude épreuve. Soit on est heureux, soit on se suicide. Il n’y a plus d’état intermédiaire : soit on est Jay-Z, soit on est un loser.

En tant qu’artiste, ce manichéisme m’affecte beaucoup évidemment. Je constate que les gens sont attirés par celles et ceux qui réussissent, et lorsqu’ils ont l’impression que tu n’as pas le succès, ils t’évitent comme la peste.  

C’est triste à dire, mais le public (y compris certains de mes proches) attend que j’aie le disque d’or pour commencer à me soutenir. Or, je n’atteindrai jamais le sommet si je n’obtiens pas son soutien. Bref, c’est l’histoire du serpent qui se mord la queue.  

Face à cet état des choses, certains artistes ont recours à des méthodes peu scrupuleuses pour sortir de ce cercle vicieux. Ils décident de « fake it till you make it » et achètent des vues et des abonnés afin de donner l’illusion qu’ils sont riches et célèbres. Pourquoi font-ils cela? Parce qu’ils ont compris une chose : tout le monde aime les vainqueurs, et faire semblant d’avoir du succès est le meilleur moyen d’attirer ledit succès. Évidemment, je ne cautionne pas cette façon de procéder, mais je comprends pourquoi ces personnes agissent ainsi, et je dois avouer que parfois, c’est tentant.

« Tonton, pourquoi as-tu si peu de vues sur YouTube? »

Il y a quelques mois, j’ai discuté avec le fils d’un ami, que je considère comme un neveu. Au cours de notre brève conversation, il ne tarissait pas d’éloges sur ma musique. Après m’avoir dit à quel point il apprécie mes chansons, il a posé la question à un million de dollars : « tonton, pourquoi as-tu si peu de vues sur YouTube? »

Évidemment, je n’étais pas préparé à répondre à une telle question, alors j’ai essayé de concocter une réponse sur-le-champ. Je lui ai dit que le marketing était mon talon d’Achille et que je m’évertuais à combler mes lacunes dans ce domaine. J’ai ajouté que je comptais sur son soutien pour continuer d’agrandir ma fan base.

Cette question de mon neveu n’était pas innocente. En effet, il est à une étape cruciale de sa vie où il se pose beaucoup de questions et veut être réconforté en permanence. Il est à un âge où il veut se faire accepter et ne veut surtout pas être marginalisé. Il cherche donc constamment une sorte de légitimité dans les yeux des autres.

Pourquoi est-ce que mon neveu voulait savoir pourquoi j’avais si peu de vues sur YouTube? Parce qu’il voulait tout simplement que je valide ses goûts. Lorsqu’il m’a posé la question, j’ai senti qu’il voulait être rassuré. J’ai compris qu’il y avait plein de choses qui trottinaient dans sa tête, et il se posait plein de questions du genre : « est-ce que mes goûts musicaux sont bizarres? Parce que si je me fie aux indicateurs de YouTube, je suis le seul être au monde qui est fan de cet artiste. Dois-je arrêter d’écouter la musique de Hopiho? »

Cet épisode n’a fait que conforter ce que je savais déjà : si je veux avoir du succès, il faut que je change la perception des gens. Il faut que je leur donne l’impression d’avoir réussi pour qu’ils embarquent enfin dans mon délire. Malheureusement des plateformes, telles que Spotify et YouTube, me mettent les bâtons dans les roues puisqu’elles divulguent mes statistiques à tout-va. J’espère qu’un jour, elles mettront un terme à cette pratique, mais mon petit doigt me dit que ce ne sera pas demain la veille.

Avant de partir, j’aimerais vous informer que j’ai sorti mon nouveau projet En attendant…les remixes le mois dernier. N’attendez pas que j’aie le succès pour commencer à me soutenir. Faites-le dès maintenant. Merci!

Hopiho